Shot me down (Seth Jackson & Illiana Green)

Aéroport de Praha, 20h30. L’heure de couvre-feu était passée d’une demi-heure. Les soldats faisaient leur ronde habituelle. Tout semblait plutôt calme. Comme d’habitude. Peu de personnes osaient s’aventurer dans un endroit aussi surveillé.

Du haut du bâtiment surplombant l’aéroport, Seth observait les étoiles, faible lumière dans un monde envahi par les ténèbres. C’était comme l’illusion d’un espoir que le monde pourrait  un jour être sauvé.
Il baissa les yeux sur son arme, jouant doucement avec la gâchette. Un fusil d’assaut. Une arme impressionnante au vu de sa taille. Mais aux yeux de Seth, elle était surtout encombrante. Après tout, en tant que meurtrier expérimenté, il était bien placé pour savoir qu’un pistolet automatique, plus discret, faisait parfaitement l’affaire.
A cette pensée, un sourire vint tordre ses lèvres, et ses yeux s’assombrirent. Voilà ce qu’il était. Un meurtrier. Un monstre. Un psychopathe. Et il avait survécu à toute cette mascarade. Là était toute l’ironie.

Machinalement, il fit demi-tour, continuant sa ronde. Il avait l’impression d’être un automate. Pas d’émotions, pas de sentiments. Juste une mission à accomplir. Attraper ceux qui oseraient sortir, et tuer s’il le fallait. Comme s’il était né pour ça. Pour détruire la vie.
Ce n’était pas la formation qu’il avait effectuée à Praha qui l’avait rendu comme ça. Disons plutôt qu’elle avait achevé sa transformation. A présent, son âme toute entière était aussi froide et dure que de la glace.
Aux aguets, il regardait droit devant lui, ses yeux d’un bleu glacial semblant transpercer le noir sombre de la nuit. Ce n’était pas plus mal qu’il ne ressente plus rien. Ça lui faciliterait la tâche. Au moins, il n’hésiterait pas à appuyer sur la gâchette une fois qu’il aurait mis la main sur lui. Lui, l’esclave de la mort. Lui, le meurtrier de ses parents.
C’était la seule raison pour qu’il se retrouve ici, à Praha. Si l’assassin devait se cacher, il était forcément ici. Et une fois qu’il l’aurait éliminé, il s’en irait. Il ne voulait pas faire partie de cette société qui le dégoûtait tant, qui avait déjà détruit son monde une fois et qui ne semblait en tirer aucune leçon.
Et ensuite, il attendrait la mort. Puisqu’ici-bas, plus rien ni personne ne pouvait être sauvé.

Brusquement, il s’arrêta. Il avait vu une ombre, sur le toit, plus loin. D’après la silhouette, il devait s’agir d’une femme. Serrant son arme contre lui, il s’approcha en silence, le regard rivé sur l’imprudente. A trois mètres d’elle, il s’arrêta. Nul besoin de s’approcher plus pour ce qu’il avait à lui dire.

- Vous ne devriez pas être ici. Le couvre-feu est passé depuis plus d’une demi-heure. Rentrez chez vous.

Sa voix était rauque, grave. Comme s’il usait ses cordes vocales pour la première fois. Comme s’il n’avait pas communiqué avec un autre être humain depuis une éternité.

- Ceci est le premier et dernier avertissement.

Il avait prononcé ces mots d’une voix froide, sans intonation. C’était presque mécanique. Il avait appris son texte par cœur.
Lentement, le regard toujours posé sur la silhouette devant lui, il leva son arme, comme pour expliquer la suite des événements si jamais elle refusait de suivre ses ordres.
Il ne bougeait plus, désormais, dans l’attente d’une réaction de la jeune femme. Habituellement, la présence de l’arme en elle-même était suffisante pour effrayer les intrus qui sortaient à une heure trop tardive. Ils partaient généralement sans demander leur reste.
Il n’y avait aucune raison pour que ce soit différent ce soir.
Aucune.